L’information à l’ère des réseaux sociaux

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« Celui qui contrôle les médias contrôle les esprits. » Jim Morrison

Les réseaux sociaux, de toute évidence, transforment la manière dont nous consommons l’information. Ces nouveaux médias offrent des possibilités inédites en terme de quantité, de sources, de filtrage et de diffusion de l’information. Le domaine de la recherche, poussé par les gouvernements et les grandes entreprises, s’active afin d’identifier le plus rapidement possible les règles qui régissent ce nouvel univers médiatique.

Les sources
Qui n’a jamais entendu la phrase suivante : n’importe qui peut écrire n’importe quoi sur la toile ! On se plaint de l’anonymat de certains auteurs, et quand ils sont identifiés, on est inquiet de leur peu de notoriété. Bref, on se plaint que la nouvelle ne provienne pas d’une source officielle. Pour les médias sociaux, une source officielle peut être un média traditionnel, pour les médias traditionnels, une source officielle est « une organisation dont la bureaucratie produit en masse un matériel idéal pour alimenter la demande d’information des salles de rédaction. 1»  Les départements de relations publiques des organes gouvernementaux, des grandes entreprises et des sociétés commerciales en sont les meilleurs exemples. Elles sont considérées comme fiables par les journalistes et produisent de l’information à moindres coûts.

Les experts sont une autre une source officielle particulièrement crédible. Elle peut représenter toutefois un danger, car elle est la seule autorité qui peut contredire une autre source officielle. C’est pourquoi certaines entreprises investissent de grosses sommes pour s’acheter des experts. En voici un exemple. Il s’agit d’un extrait de la stratégie de  vente  du projet énergie est de TransCanada à l’opinion publique québécoise qui a été remise à Greenpeace par un informateur anonyme :

« Tenter de mettre de leur côté des universitaires “car ils sont particulièrement crédibles aux yeux des Québécois” en organisant “une campagne de financement majeure” d’une université québécoise pour la recherche environnementale. 2»

L’utilisation des sources non officielles est plus compliquée.  Les vérifications que le journaliste doit effectuées avant la publication, rendent la nouvelle plus coûteuse. Une source non officielle peut être difficile à débusquer, elle ne court pas souvent après les journalistes pour leur offrir une information formatée, présentée au bon moment avant l’heure de tombée. Une source non officielle peut également critiquer une source officielle ce qui risque de froisser une source officielle au point qu’elle refuse de participer à une émission ou d’accorder une entrevue.

Dans le domaine des sources non officielles, monsieur et madame tout le monde semblent avoir de plus en plus la cote. On se fie aux avis de consommateurs sur Amazon, aux étoiles de Netflix et aux notes de TripAdvisor.  Ignacio Ramonet, directeur du Monde Diplomatique de 1990 à 2008, explique ainsi la popularité des blogues :

« Cet engouement montre que beaucoup de lecteurs préfèrent la subjectivité et la partialité assumées des bloggers à la fausse objectivité et à l’impartialité hypocrite d’une certaine presse.3»

Les faux blogues  ou flogs  sont la preuve que les firmes de marketing et de relations publiques on bien saisie cette préférence. On crée un blogue qui semble émaner d’une source non biaisée, mais qui en réalité est créé par une organisation dans le but de promouvoir un produit, un service ou un point de vue politique. Nous avons eu un bel exemple montréalais, en 2008, avec le faux blogue cycliste animé par Morrow Communications, pour le compte de Stationnement de Montréal. 4

Il a été révélé en 2011 que le gouvernement américain avait engagé la société de sécurité informatique  HBGary pour développer un logiciel qui permettrait à un seul opérateur d’incarner une multitude de personnages à travers différents réseaux sociaux, tels Facebook, Twitter ou MySpace à des fins de propagande.5 Peut-on, dans ce cas-ci qualifier le gouvernement américain de sources anonymes officielles ?

Avec les réseaux sociaux, l’information unidirectionnelle est devenue bidirectionnelle. En effet, dès que nous naviguons sur internet et que nous utilisons des médias sociaux, nous devenons des consommateurs/producteurs d’informations.

Monsieur et madame tout le monde ne sont pas seulement des sources d’informations dans le sens où ils produisent du contenu via les avis de consommateurs, les blogues ou les commentaires sur les réseaux sociaux. Ils deviennent également des sources du fait que tous leurs déplacements sur la toile, toutes leurs préférences, leurs clics et leurs achats sont mémorisés. Chaque respiration que l’on prend sur la toile, sur notre ordinateur, sur notre portable ou notre tablette est enregistrée par quelqu’un quelque part. C’est ce qui constitue entre autres, le « Big data ». Cette quantité énorme de données est, ou sera, transformée en informations. Nous sommes devenus une source d’informations sur nous-même.

La crise de confiance qui ronge les médias traditionnels s’apprête à frapper les médias sociaux. L’absence de sources officielles n’en sera certainement pas la cause. Il faudra plutôt regarder du côté des  stratagèmes déployés par les élites politiques et économiques pour tenter de récupérer une partie de leur l’influence perdue. Des politiciens qui s’achètent des « Followers » à l’armée américaine  qui crée de faux internautes pour diffuser de la propagande pro-américaine.

«La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures.» Noam Chomsky

La masse d’information
Nous sommes aujourd’hui inondé d’informations. En considérant le Big data, on estime que le web, aujourd’hui, contient 2,8 zettaoctets de données. Un « zettaoctet » est 10 à la puissance 21. Il est si difficile de se représenter une telle quantité d’informations, que chacun y va de sa métaphore : chaque jour, uniquement avec Twitter, on produit sept téraoctets de textes. Cela correspond à la quantité de textes contenue dans toute la Bibliothèque Nationale de France »6.

« Il s’est produit plus d’informations dans les deux dernières années que dans toute l’histoire de l’humanité »7.  Le plus fascinant est que la production de données augmente continuellement et de façon exponentielle.

Une telle quantité d’informations représente de nouveaux défis et opportunités pour ceux qui veulent en tirer des bénéfices. L’internaute ne sait plus où donner de la souris face à cette déferlante de nouvelles et d’informations. Nous sommes de plus en plus critiques face au contenu qu’on nous propose et notre attention est de plus en plus difficile à attirer et à conserver.  Notre « temps de cerveau disponible », pour citer l’ancien président-directeur général de TF1, est de plus en plus sollicité et les moyens pour se l’accaparer sont de plus en plus nombreux et efficaces.

«Si la communication était totale, nous l’appellerions la vérité»
inspirée d’une citation de Paul Ricoeur

Dans les médias traditionnels, les « Gatekeepers » sélectionnent l’information en fonction de l’espace média disponible, les lecteurs, la clientèle publicitaire ainsi que les intérêts économiques et politiques du propriétaire du média. Comme le dit si bien M. Serge Dassault, fabriquant d’armes entre autres et, à l’époque nouveau propriétaire de l’Express et du Figaro, «un journal permet de faire passer un certain nombre d’idées saines 8 ».

Noam Chomsky et Edward Herman  ont assez bien démontré en 1988, avec leur livre : « La fabrication du consentement 9 », que l’information, loin d’être un quatrième pourvoir, est manipulée afin de servir les intérêts des élites économiques et politiques. En février 2015, l’éditorialiste en chef du Daily Telegraph, Peter Oborne a remis sa démission pour protester contre la couverture médiatique des révélations SwissLeaks sur l’évasion fiscale à grande échelle organisée par la Banque HSBC. Il accuse son journal d’avoir tout simplement retiré le contenu qui aurait pu froisser la HSBC, un des ses gros clients publicitaires. Les intérêts financiers du Daily Telegraph influencent trop, selon lui, leur couverture médiatique. Il réclame une enquête indépendante et explique que la grande majorité des journalistes n’ont pas confiance dans la direction du journal qui appartient aux frères David et Frederick Barclay, deux milliardaires exilés fiscaux.

Il y a peut-être eu une courte période au moment de l’émergence des médias sociaux ou l’information circulait sans contraintes. Une absence de garde-barrière ? Si cette période a existé, elle est définitivement révolue. Les maîtres de l’info effectuent un retour en force. Non seulement la masse d’informations est triée, mais sur les réseaux sociaux, elle est triée en fonction de vos intérêts très personnels.

Les systèmes de recommandations
Avec l’explosion des contenus sur le Web, les systèmes de recommandations sont de plus en plus présents. Il existe deux grands types de systèmes qui peuvent être combinés : le filtrage par contenu et le filtrage collaboratif.

Le premier repose sur des profils de produits et d’utilisateurs et Amazon en est le plus bel exemple. Le second permet d’utiliser le jugement d’un groupe de personnes. Les plates-formes de signets sociaux appartiennent à cette catégorie et sont très populaires dans les milieux universitaires.

Il a été démontré que les avis des consommateurs augmentent les ventes d’Amazon de 30 %, ce n’est donc pas pour rien qu’il y a de plus en plus de fausses recommandations. On s’en sert pour mousser la vente de nos produits ou pour nuire à la compétition. Cela s’apparente à de l’Astroturfing. Il s’agit d’une «technique de propagande utilisée à des fins publicitaires, politiques ou dans des campagnes de relations publiques qui a pour but de donner l’impression d’un comportement spontané ou d’une opinion populaire alors qu’il n’en est rien 10 ». Il peut s’agir de prétendus témoignages indépendants jusqu’à la création d’une grande quantité de fausses identités sur internet. L’expert en exploration de données Bing Liu estime que le tiers des avis de consommateurs que l’on trouve sur internet sont des faux 11.

Un site comme TripAdvisor existe uniquement pour transmettre des avis de clients aux voyageurs et amener des clients vers ses partenaires. On trouve sur TripAdvisor, 200 millions d’avis, 17 millions de photos de voyageurs sur 3,1 millions d’entreprises touristiques 12.
Il est une des premières sources de réservation en direct et en ligne dans l’hôtellerie13.
Il dispose d’un pouvoir immense dans l’univers du tourisme et on reconnait aujourd’hui les effets de la réputation TripAdvisor sur le chiffre d’affaires des hôtels. Cet e-réputation est si importante pour les hôteliers, que ceux-ci commencent à protester contre ce qu’ils considèrent parfois comme de la diffamation ou bien des manoeuvres sournoises de leurs compétiteurs pour leur faire perdre des clients. L’Association française de normalisation a d’ailleurs développé la norme NF Z74-501 en 2013 , sur les avis de consommateurs qui, si elle est appliquée, garantie entre autres que :
1. L’auteur de l’avis est identifiable et contactable ;
2. Aucun avis de consommateurs n’a été acheté ;
3. Les motifs de rejet des avis sont indiqués dans les conditions générales d’utilisation du site ;
4. La modération fait l’objet d’un délai de traitement court et se fait a priori ;
5. Les avis doivent apparaître de manière chronologique ;
6. Tous les avis sont affichés.

TripAdvisor a formellement refusé de se plier à cette norme.  Il a depuis lancé un programme avec American Express pour garantir l’authenticité d’une partie de ses avis. Les avis de voyageurs qui auront payé sur place avec une Amex aurons la mention « Amex Card Member review ». Vous voulez que votre avis soit pris au sérieux ? Vous n’avez qu’à utiliser votre Amex. Tout s’achète, même la crédibilité…

En décembre 2014, TripAdvisor a écopé d’une amende de 500 000 euros en Italie. Il a été reconnu coupable de pratiques commerciales trompeuses. Il y a depuis septembre 2011, une « diffusion d’informations trompeuses sur les sources des commentaires [via] des instruments et des procédures inadéquats pour faire face au phénomène des faux commentaires 14»

Faites comme moi, fiez-vous aux commentaires hystériques des personnes très pointilleuses. Si le cerne de calcaire dans la douche à peine visible sur la photo les a mis dans cet état,  le reste ne doit pas être si mal…

 Google Monstre

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2014 a été une mauvaise année pour Google avec seulement 66 milliards de chiffre d’affaires. Ces résultats déçoivent malgré une croissance de 20 % par rapport à l’année précédente et un bénéfice net de 12,9 milliards de dollars. Ambition, quand tu nous tiens…
Voici une liste, non exhaustive, de différents services par lesquels Google recueille de l’information sur nous : Moteur de recherche Google, Gmail, Blogger, Google maps, Google talk, Google analytics, Youtube, Google sms, Google wallet, Google finance, Google agenda, Picasa, Google Chrome, Google Health, Google Chrome OS, Google+, Nexus One, Androïd, Chromecast, Google Play, Google Keep, Google Shopping, Google Reader, Google Now, Google Earth, Google Goggles, Waze, Google Ventures, Google Fit, Google Glass, Google Drive et Androïd Auto.

Google a gagné la guerre de l’information en provenance des téléphones mobiles avec Androïd qui équipe maintenant 85 % des téléphones intelligents vendus dans le monde 15. Grâce à Androïd, il sait où nous travaillons et connait nos habitudes. Il peut même nous prévenir de l’heure à laquelle nous devrions quitter le bureau en fonction du trafic. Microsoft, avec Windows phone, va encore plus loin. Il ne nous demande pas ces informations, il les déduit selon nos habitudes. Un de mes amis a été très surpris le matin où son téléphone lui a annoncé connaître son lieu de travail. Androïd Auto, quant à lui, transformera notre voiture en une extension de notre téléphone.

Avec Google Fiber, Google prend le contrôle de notre navigation internet. La navigation est gratuite si on se laisse inonder de publicité mais nous avons l’option de payer le plein prix pour naviguer en paix. Avec Google Talk, Google prend le contrôle de nos communications téléphoniques IP. Via Chrome Cast, Google prend le contrôle de notre télévision. Avec Androïde Auto, Google transforme notre voiture en centre d’informations, Avec Google Car, Google augmentera notre « temps de cerveau disponible » et pourra le transformer en espace pour du placement publicitaire.

Google est à la base, le moteur de recherche le plus important du Web. On a même l’impression qu’il est le Web. Si vous n’êtes pas sur Google, vous n’existez pratiquement pas. Google est dans une guerre sans fin avec ceux qui prétendent pouvoir vous mettre en bonne position dans les résultats de recherche des internautes. Pour prospérer, vous devez apparaître dans les 10 premiers résultats, pour le reste, il suffit de savoir que la grande majorité des internautes ne se rendront jamais à la deuxième page… Google décide de ce que vous verrez sur cette page, et son processus décisionnel est un secret toujours très bien gardé. Le fait que les mots-clés sont à vendre est, au contraire, lui, très publicisé. Google est un filtre, l’ampleur et la nature du filtrage qu’il réalise sont un secret bien gardé.

Le nouvel algorithme de Google, « Hummingbird » se targue d’effectuer des recherches sémantiques. Ce que les SEO ont plutôt remarqué c’est que les mots-clés utilisés pour faire afficher les pages sont désormais encryptés dans Google Analytics. Pour avoir cette information, les SEO devront dorénavant se rabattre sur les produits et services offerts par Google.

Vous pouvez acheter des mots-clés avec AdWords et votre site sera en meilleure position dans les résultats de recherche. Il y un petit texte encadré de jaune qui indique qu’il s’agit d’une annonce. Une étude effectuée par l’Institut français d’opinion publique en 2013 a révélé que 52 % des internautes cliquent sur les liens commandités de Google et que 36 % ignorent qu’il s’agit de liens commandités 16.

C’est la première fois que l’algorithme de recherche Google change de nom depuis sa création en 1998. Google explique qu’il s’agit d’un algorithme totalement différent. Mon hypothèse est qu’avec le nombre d’ouvrages qui sont publiés sur les problématiques sociales et économiques soulevée par le très célèbre « PageRank », un changement de nom permettra peut-être à l’algorithme de Google de se refaire une virginité dans les résultats des moteurs de recherche.

Facebook et cie

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Fin 2014, Facebook compte 1,393 milliards d’utilisateurs actifs 17. Il s’agit du cinquième de la population mondiale. Facebook a définitivement changé la façon dont on s’informe. Selon une étude de l’institut Pew Research, 30 % des Américains prennent leurs informations sur Facebook 18. En 2014, 20 % du trafic des sites d’information provient de Facebook 19. Les pages d’accueil des grands quotidiens sont délaissées, on accède directement aux articles. Autre phénomène, celui des téléphones intelligents. En 2014, aux États-Unis, il y a182 millions de personnes qui possèdent un téléphone intelligent 20. Les gens utilisent de plus en plus leurs téléphones à des fins de divertissement, entre autres, pour accéder aux réseaux sociaux.

L’information qui arrive sur votre fil d’actualité Facebook est triée. Le nouvel algorithme de Facebook qui est constamment modifié, sous l’oeil attentif de leur ingénieur en chef de 26 ans, Greg Marra, réduit les 1500 nouvelles de l’utilisateur moyen à 300. Le but de l’algorithme est de rendre la quantité d’informations plus raisonnable pour l’utilisateur et de nous garder sur le site le plus longtemps possible. Facebook nous affiche donc le meilleur contenu possible. Mais quel est le meilleur contenu pour Facebook ? Des choses sur lesquelles nous allons cliquer ? Des choses que nous allons lire ? Des choses qui vont nous rendre plus heureux ?

N’oublions pas que le bonheur des utilisateurs est une grande préoccupation pour Facebook. Il n’a pas hésité à réaliser avec l’université Cornell , une étude sur la contagion émotionnelle. Du 11 au 18 janvier 2012, ils ont modifié le fil d’actualité d’environ 700 000 utilisateurs sans leur autorisation 21. Pour une partie du groupe, ils ont retiré les informations qui contenaient des mots positifs et pour l’autre groupe, ils ont retiré les articles qui contenaient des mots négatifs. Après une semaine, ils ont évalué les effets de cette exposition sur les utilisateurs. Les résultats ont été ceux attendus. Notre morale est effectivement influencé par notre environnement.

La politique d’utilisation des données de Facebook lui donne le droit de manipuler les informations des utilisateurs. Voici ce qu’en dit Danah Boyd, chercheuse et sociologue à l’université de Berkeley.

«Les sociétés de l’information ne sont pas des industries pharmaceutiques. Elles n’ont pas besoin de faire des essais cliniques avant de mettre un produit sur le marché. Elles peuvent manipuler psychologiquement leurs utilisateurs autant qu’elles veulent, sans obligation d’expliquer exactement ce qu’elles font. Et en tant qu’utilisateurs, nous ne pouvons que deviner ce que la boîte noire est en train de faire. 22»

Facebook sait ce qu’il fait et pourquoi il le fait, il n’y a que les utilisateurs qui sont dans l’ignorance.

Le journaliste vedette du New York Times, David Carr, décédé récemment, s’est entretenu avec un représentant de Facebook, venu rencontrer leur journal pour discuter de la visibilité du New York Times sur Facebook. Ce dernier a expliqué au journaliste l’offre que Facebook présente aux médias qu’il rencontre. Facebook leur offre d’être hébergé directement sur leur plate-forme.23
De cette façon, Facebook peut offrir à ses utilisateurs, du contenu de meilleure qualité et en échange, Facebook partage ses revenus publicitaires. Cette offre n’est pas au goût des salles de rédaction mais sera peut-être, pour certains journaux, leur seule planche de salut.

La circulation de l’information sur les réseaux sociaux est un sujet qui suscite de l’intérêt et qui mobilise beaucoup d’efforts de recherches. Est-ce que l’utilisation des réseaux sociaux induit une polarisation de nos opinions politiques ? La spirale du silence s’applique-t-elle aux réseaux sociaux ? Y a-t-il une bulle de filtre ? Où sont situé les noeuds d’influence ? Quel est le meilleur diffuseur initial d’un contenu pour obtenir une propagation maximale ? Quels liens doit-on supprimer pour limiter la diffusion ? La diffusion se fait-elle par contagion ou influence ? On reprend même certains modèles d’analyse utilisés en épidémiologie pour les appliquer aux réseaux sociaux.

L’armée américaine a admis l’été dernier dépenser des millions de dollars dans l’étude de la manipulation des réseaux sociaux. L’armée a dévoilé son programme SMISC (Social Media in Strategic Communication) en 2011, et explique ce qui suit : « À l’aide de ce programme, Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency) ambitionne de développer des outils d’aide aux efforts d’un groupe d’opérateurs humains afin de contrer des campagnes de désinformation ou des supercheries avec des informations crédibles.» 24

Mes prévisions pour 2016
— La vie privée n’existe presque plus.
— La presse écrite continue de perdre du terrain.
— La presse indépendante a un regain.
— La montée des smartphones et tablettes comme outils de navigation va se poursuivre en 2015.
— Google va continuer à augmenter sa récolte d’informations via ses différents services.
— Les pages d’accueil des grands quotidiens vont continuer de perdre du terrain au profit de Facebook et de son fil d’actualités.
— Puisque les photos, les vidéos et l’audio sont des contenus de plus en plus populaires, on peut miser sur une poursuite de la croissance des réseaux sociaux style Vine, Instagram ou Pinterest pour l’année qui s’en vient.
— Avec les poursuites judiciaires qui sont entreprises en lien avec les avis de consommateurs sur TripAdvisor, la question des faux avis de consommateurs sera peut-être un peu plus abordée dans les médias.
— On parlera de plus en plus du Big data puisque ce marché devrait atteindre 24 milliards de dollars en 2016.

Mes prévisions pour 2020
— La vie privée n’existe plus.
— Les médias sociaux se positionnent de plus en plus comme l’interface entre les médias et leur clientèle. Facebook en particulier est un intermédiaire si puissant qu’il est pratiquement incontournable. Avec la montée des téléphones intelligents comme outils de navigation, les contraintes qu’ils imposent en terme d’interface, la page web, comme on la connait est en voie de disparition. Si Facebook réussit son pari de devenir l’hébergeur et le diffuseur d’une majorité de médias, on peut imaginer la concentration d’influences que ça pourrait représenter dans cinq ans.
– Course pour le traitement du Big data. Le Big data est l’immense masse de données non structurées, produites entre autres par la navigation sur internet et l’utilisation des réseaux sociaux. Comme aujourd’hui, il s’agira de transformer ses données en information qui pourra être diffusée rapidement aux personnes concerner afin de leur permettre de développer ou modifier leurs stratégies. Stratégies qui auront encore pour but de connaître les comportements du consommateur. Il semble, en définitive, que tout se résume à une question de marketing et de consommation.

IDC, l’analyste du futur, prévoit que la croissance des données va se poursuivre au rythme de 45 % par an jusqu’en 2020. Permettez-moi de l’illustrer avec une métaphore spatiale : «imaginer un rayonnage de CD qui parcourrait la distance entre la Terre et Mars et sur la moitié de sa longueur, les CD seraient rangés en double épaisseur.»26

-En 2020, les réseaux sociaux décentralisés deviendront très populaires.
-Un mouvement de déconnexion sera enclenché parmi la population afin de protester contre la fin de la vie privée et parce que les gens en 2020 ont envie de faire autre chose de leur vie que magasiner sur internet et échanger avec des amis imaginaires.
-L’information, pour être considérée de qualité, devra contenir des balises RDF afin d’être utilisable par le Web sémantique.
-Les pays européens vont exprimer de plus en plus leur mécontentement face au mépris du GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) envers leurs institutions politiques, économiques et leurs législations.

Mes prévisions pour 2035
Les personnes vieillissantes en perte d’autonomie ne veulent plus être exilées dans des centres de personnes âgées. Pour demeurer dans leur maison le plus longtemps possible, ils pourront recevoir l’assistance de robots domestiques. Ces robots existent déjà à l’heure actuelle, en 2035, leur utilisation est généralisée dans les pays les plus riches.

Il ne reste que deux gros joueurs dans l’industrie médiatique (loi anti-monopole oblige). Ces deux gros joueurs se partagent tout le pouvoir économique, législatif, militaire et social du monde entier. Ils sont dirigés par quelques divinités aux formes étranges.
On voit l’émergence d’une véritable intelligence artificielle. Les deux gros joueurs s’en inquiètent, ils y voient une menace pour l’humanité.
Le web sémantique se concrétise.
La quantité de données s’élève à 40 zettaoctets. Ce qui doit correspondre à peu près à l’information contenu dans des cerveaux de poissons rouges que l’on aurait aligné de la terre jusqu’à Alfa du Centaure.

Mes vêtements connectés font parvenir de l’information aux agences de publicité et mes bijoux connectés informent mon docteur et les compagnies pharmaceutiques de mon état de santé. Ma voiture se conduit seule, et mes déplacements représentent du temps de cerveau disponible que Google utilise pour du placement publicitaire. Ma maison intelligente essaie de toute ses forces de limiter sa consommation d’énergie, énergie produite par des panneaux solaires et entreposer dans ma pile d’habitation Tesla. Je ne transporte plus de cartes, ni d’argent, ni ne téléphone. Mon crédit est indiqué dans ma rétine, j’ai un implant auditif et un micro dans la gorge, je suis constamment dans une bulle de réalité augmentée, ce qui améliore l’apparence de ma pelouse, de mon mari et de mes enfants. La réalité augmentée a porté un coup dur à l’industrie de la chirurgie esthétique. Tout cela roule aux informations. L’avenir se résume donc à informations, piles et rétines.

Conclusion
Le web social a si profondément modifié le domaine de l’information qu’il est, aujourd’hui,  difficile d’en tracer les nouveaux contours. Les médias traditionnels, après avoir subi d’énormes pertes à cause des médias sociaux, devront peut-être, au final,  leur survie à ces mêmes médias sociaux. Les transformations les plus fondamentales se sont produites au niveau de l’internaute qui est aujourd’hui producteur de contenu et également la source la plus précieuse d’informations. L’industrie de la publicité en ligne au service des marques affichait un chiffre d’affaires de 102 milliards de dollars en 2013. Pour obtenir nos informations et notre présence, il semble que les réseaux sociaux soient prêt à tout. L’information auquel nous avons accès via Facebook est de moins en moins un reflet d’une réalité collective et de plus en plus un écran dans lequel est diffusé ce qu’individuellement nous avons envie de voir. L’information est de nouveau traitée afin de demeurer au service des très riches qui peuvent se la payer.

Références :

1.  Noam Chomsky et Edward Herman, Manufacturing consent, réédition 2002, emplacement kindle 1659
2.Michelcollon.info
3. Ignacio Ramonet, Médias en crise, 2005
4. Patrick Lagacé, La Presse, mai 2009, Bixi, blogue et bullshit
5. Darlene Strom, feb 2011, Computerworld, Army of fake social media friends to promote propaganda
6.Jean-Gabriel Ganascia, 2014, La mémoire numérique ou artificielle
7. Isabelle Carcassonne, 2011, Comment gérer l’explosion d’informations numériques
8. Dans un entretien accordé au magazine Entreprendre pour son numéro de décembre 2003 (cité dans le portrait de Serge Dassault publié par Le Monde daté du 21.09.2004).
9. Edward Herman et Noam Chomsky, La Fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie, Agone, 2008. Première parution New York : Pantheon Books, 1988 (réédition 2002)
10. Astroturfing
11. David Streitfeld, NewYork Times, janvier 2012, For $2 a Star, an Online Retailer Gets 5-Star Product Reviews
12. Trip Advisor, press center
13. Mathieu Vadot, Tripadvisor, 1er apporteur d’affaires des entreprises du tourisme en 2015?
14. Faux avis : TripAdvisor écope d’une amende de 500 000 euros en Italie
15. La Presse, juillet 2014, Nouveau record pour Android, qui équipe désormais 85% des téléphones
16. Le ciblage des internautes au coeur du système Google
17. Le journal du net, 13/02/2015, Nombre d’utilisateurs de Facebook dans le monde
18. Radio Canada, Matthieu Dugal, novembre 2014, Le fil d’actualité de Facebook bouleverse l’information
19. New York Time, Ravi Somaiya, oct.2014, How Facebook Is Changing the Way Its Users Consume Journalism
20. comScore Reports January 2014 U.S. Smartphone Subscriber Market Share
21. Nicolas Jaimes, JDN, Facebook est-il coupable de manipulation émotionnelle ?
22. Danah Boyd, RSLN. Ce que l’expérience de Facebook nous enseigne sur la manipulation des émotions
23. David Carr, The New Yok Times, octobre 2014, Facebook Offers Life Raft, but Publishers Are Wary
24. mondialisation.ca, L’armée US admet dépenser des millions dans l’étude de la manipulation des réseaux sociaux
25. Henri J. Nijdam, Le nouvel Économiste, La data intarissable et incommensurable
26. Le figaro, Comment gérer l’explosion d’informations numériques

Une réflexion sur « L’information à l’ère des réseaux sociaux »

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